Quelle est l’importance des mangroves et des herbiers marins pour les poissons des récifs coralliens ? L’hypothèse de la pépinière testée à l’échelle d’une île
Numéro d'étude :
13
Auteur:
I. Nagelkerken, CM Roberts, G. van der Velde, M. Dorenbosch, MC van Riel, E. Cocheret de la Morinière & PH Nienhuis
Abstrait:
Il y a eu de nombreuses controverses sur la mesure dans laquelle les mangroves et les herbiers marins fonctionnent comme habitats de reproduction pour les juvéniles des espèces de poissons qui vivent sur les récifs coralliens à l'âge adulte. Dans des études précédentes, nous avons montré que les juvéniles d'au moins 17 espèces de poissons de récif des Caraïbes sont fortement associés aux baies contenant des mangroves et des herbiers marins comme nourriceries, et que les juvéniles de ces espèces sont absents dans les baies dépourvues de tels habitats. Dans cette étude, nous avons donc émis l'hypothèse que sur les îles dépourvues de ces habitats de nourricerie, les adultes de ces espèces de poissons seraient absents ou présenteraient de faibles densités sur le récif corallien. Les densités des 17 espèces ont été comparées entre les récifs des îles des Caraïbes avec et sans mangroves et herbiers marins. Sur les récifs des îles dépourvues de ces habitats, une absence totale ou de faibles densités ont été observées pour 11 des 17 espèces, dont plusieurs ont une importance commerciale pour la pêche. Cette découverte suggère une fonction de nourricerie très importante de ces habitats et implique que les densités de plusieurs espèces de poissons sur les récifs coralliens sont fonction de la présence de baies voisines contenant des mangroves et des herbiers marins comme nourriceries. Les résultats indiquent que la dégradation ou la perte de ces habitats pourrait avoir des impacts significatifs sur les stocks de poissons de récif dans les Caraïbes.
Principaux résultats et conclusions :
- L'étude a été réalisée dans les récifs entourant l'île caribéenne de Grand Cayman, où un total de 30 espèces de poissons communes ont été observées (2).
- Les résultats de l’étude sont les suivants (3) :
- "Lorsque la biomasse des poissons a été analysée quelle que soit la taille du corps, la biomasse des espèces qui utilisent des pépinières de mangroves/herbiers marins ainsi que toutes les espèces était significativement plus élevée sur les sites proches des pépinières que sur les sites récifaux isolés, indépendamment de l'effet de réserve (Fig. 3a…). .»
- « L’analyse du spectre de taille a montré que la réponse des individus de grande taille (.25 cm TL) à la protection contre la pêche dans les réserves et à l'accès aux nourriceries dépendait de l'utilisation ou non des nourriceries en tant que juvéniles. Pour les espèces qui utilisaient des nourriceries, la biomasse totale était significativement plus élevée dans les réserves (par rapport aux zones exploitées) et lorsque l'accès aux nourriceries était élevé (par rapport aux zones isolées des nourriceries) (Tableau 2; Fig. 3b).
- « Un modèle différent est apparu pour les poissons de plus petit corps (#25 cm TL). L'abondance des espèces utilisant les pépinières était positivement associée à la présence de pépinières (Fig. 3b).
- L’étude a montré une nette différence entre les effets de l’habitat de reproduction et ceux de la protection marine :
- Spécifiquement pour les poissons de petite taille, la présence d’habitats d’alevinage dans les mangroves a eu un impact considérable sur les rendements de la pêche : « La proximité des habitats d’alevinage des mangroves et des herbiers marins a largement dépassé les effets de la protection contre la pêche (c’est-à-dire l’effet de réserve) pour les poissons de récif qui utilisent les nourriceries de mangroves et d’herbiers marins et dont la longueur du corps était inférieure à 25 cm. Alors que les réserves avaient en moyenne une biomasse de petits poissons de 21% inférieure à celle des zones de pêche (en combinant les deux traitements de nurserie), la présence de la biomasse de l'habitat de nurserie a conduit à une biomasse de 249% plus élevée que celle des récifs sans accès à l'habitat de nurserie à proximité (en combinant les deux traitements de protection)… La présente étude indique que l'ampleur de cet effet est telle que les zones de pêche ayant accès à une nurserie peuvent avoir des stocks permanents beaucoup plus élevés (dans ce cas, 2,5 fois) de poissons de petite taille que les réserves marines qui n'ont pas accès à une nurserie »(3,4). .
- Spécifiquement pour les poissons de grande taille, les données de l’étude ont indiqué que «… la présence de nourriceries et la protection contre la pêche dans les réserves ont eu un effet additif sur la biomasse récifale des grands poissons de nourricerie, la présence dans les réserves contribuant dans un degré plus élevé que la présence de nourriceries.» La protection des individus plus gros des espèces de nourriceries ne devrait donc pas se limiter aux zones proches des nourriceries, même si ce sont eux qui ont le plus bénéficié de la protection de la pêche à proximité des nourriceries. Néanmoins, l’accès aux nurseries a amélioré la biomasse des grandes espèces de nurseries dans les zones de pêche ainsi que dans les zones de réserve »(4).
- Spécifiquement pour les espèces de poissons appartenant aux familles des grognements, des vivaneaux et des poissons-perroquets, la biomasse «… était plus élevée sur les récifs proches que éloignés des nourriceries, ce qui souligne l'importance de la connectivité des écosystèmes pour la résilience des récifs et le fonctionnement des écosystèmes» (5).
- En conclusion, « l'importance relative de l'habitat de reproduction et de la présence de réserves marines sur la structure de la communauté de poissons des récifs coralliens dépend de la taille des poissons et de l'utilisation ou non des poissons des pépinières de mangroves/herbiers marins. Les grands individus des espèces de nourriceries exploitées commercialement semblent tout aussi sensibles à la pêche que les autres espèces et bénéficient davantage de la protection dans les zones proches des nourriceries. Pour les petits individus des espèces de nourricerie, la présence d'habitats de nourricerie dépassait de loin les effets de la protection contre la pêche dans les réserves marines. La présente étude montre comment la connectivité des écosystèmes ajoute un niveau supplémentaire de complexité à la conception et au fonctionnement des réserves marines »(6).
Ouvrages cités:
Nagelkerken I, Dorenbosch M, Verberk WCEP, Cocheret de la Morinière E, van der Velde G (2000a) Importance des biotopes d'eau peu profonde d'une baie des Caraïbes pour les poissons juvéniles des récifs coralliens : modèles d'association de biotopes, structure communautaire et distribution spatiale. Mars Ecol Prog Ser 202 : 175-192.
Nagelkerken I, van der Velde G (2002) Les mangroves non estuariennes abritent des densités de poissons juvéniles plus élevées que les habitats adjacents d'eau peu profonde et de récifs coralliens à Curaçao (Antilles néerlandaises). Mar Ecol Prog Ser 245 :sous presse
Nagelkerken, I., van der Velde, G., Gorissen, MW, Meijer, GJ, van't Hof, T., Den Hartog, C., 2000c. Importance des mangroves, des herbiers marins et des récifs coralliens peu profonds en tant que pépinière d'importants poissons des récifs coralliens, en utilisant une technique de recensement visuel. HNE. Côte. Étagère Sci. 51, 31-44.
Nagelkerken, I., Kleijnen, S., Klop, T., van den Brand, RACJ, Cocheret de la Morinie`re, E., van der Velde, G., 2001. Dépendance des poissons des récifs des Caraïbes à l'égard des mangroves et des herbiers marins comme habitats de reproduction : une comparaison des faunes piscicoles entre les baies avec et sans mangroves/herbiers marins. Mars Ecol. Programme. Ser. 214, 225-235.