Entresol & Ors contre Saltlake Resorts Ltd., 2004 SCJ 305 (Cour suprême de Maurice) (15 novembre 2004)
Entresol & Ors contre Saltlake Resorts Ltd., 2004 SCJ 305 (Cour suprême de Maurice) (15 novembre 2004)
DANS LES CHAMBRES
À LA COUR SUPRÊME DE MAURICE
En matière de :
Louis Cyrano Entresol & Ors
Candidats
v.
Saltlake Resorts Ltd.
Intimé
En présence de:
1. Le Directeur du Département de l'Environnement EIA DESK
2. L'Unité du Ministre de l'Environnement et du Développement National
Co-défendeurs
JUGEMENT
Les quatre requérants sont des pêcheurs du village de Bel Ombre et des localités voisines. Le 27 octobre 2004, sur leur demande ex parte, j'ai accordé une injonction provisoire interdisant et interdisant à la société intimée, promoteur d'un complexe hôtelier dans ladite région, et/ou à ses préposés de procéder à tous travaux de plage et de lagon en attendant l'obtention de l'autorisation. décision sur le recours introduit devant l’Environment Appeal Tribunal. Des affidavits ont maintenant été échangés sur la question de savoir si l'injonction provisoire devait être rendue interlocutoire.
L'article 54(2) de la loi de 2002 sur la protection de l'environnement (la loi) prévoit que dans les 30 jours suivant une décision du ministre chargé de la question de l'environnement, toute personne peut faire appel auprès du tribunal d'appel de l'environnement créé en vertu de l'article 54(2) de la loi de 2002 sur la protection de l'environnement (la loi). article 53 de la Loi. Le 5 octobre 2004, une autorisation d'étude d'impact sur l'environnement (EIE) a été accordée par l'Unité du ministère de l'Environnement et du Développement national à la société défenderesse « pour la construction d'une jetée de 35 m, du ponton flottant et le repositionnement des rochers existants pour le projet ». création et profilage des zones de baignade 1 et 2 ». Prétendant agir en vertu de l'article 54(2), le 21 octobre 2004, les quatre requérants ont interjeté appel devant le Tribunal. Il me semble que l'appel a été interjeté, pour la première fois, devant le Tribunal le
9 novembre 2004 et la date de l'audience n'est pas encore connue.
D'autre part, le 15 octobre 2004, le ministère de l'Environnement, avec l'accord du ministère de la Pêche, a approuvé le démarrage des travaux et ces travaux étaient en cours jusqu'à l'octroi de l'injonction provisoire. La société défenderesse a souligné la nécessité d'exécuter de tels travaux dans l'urgence, car l'hôtel devrait ouvrir prochainement et a déjà reçu des réservations. En effet, la société défenderesse fait valoir que si les travaux de plage et de lagon ne sont pas terminés à temps pour l'ouverture de l'hôtel, elle subira des conséquences financières désastreuses.
La société intimée soutient que l’injonction provisoire devrait être levée pour les motifs suivants :
a) le juge en chambre n’a pas compétence pour accorder l’ordonnance demandée ;
(b) les requérants n’ont pas fait une divulgation complète et franche et n’ont pas présenté équitablement leur cause au moment où ils ont présenté la requête ex parte au juge en chambre ;
c) les requérants se sont rendus coupables de coups de fouet ;
(d) les requérants ne peuvent pas justifier un prétendu tort public ;
e) les requérants n’ont établi aucun droit, encore moins aucun droit légal, que le juge en chambre devrait protéger ;
f) l'appel, auquel le défendeur n'a pas été désigné partie, peut prendre plusieurs mois pour être statué ;
g) les requérants n'ont pas établi de preuves, et encore moins de preuves sérieuses, justifiant l'émission de l'ordonnance ;
h) la prépondérance des inconvénients penche clairement en faveur du défendeur;
(i) tout préjudice allégué aux demandeurs (ce qui est nié) peut être indemnisé en espèces et le défendeur dispose de suffisamment de moyens pour indemniser les demandeurs.
Quant à la contestation de ma compétence pour accorder l'injonction interlocutoire, il est soutenu au nom de la société intimée qu'en l'absence d'action au fond devant la Cour suprême, la présente demande n'est pas recevable. Cette position est partagée par le Conseil des codéfendeurs. Les décisions Yadally c. Sohotoo et Anor [1958 MR 194] et Bundhoo c. Baichoo [1979 SCJ 13] sont citées comme faisant autorité pour une telle proposition.
Le confrère a toutefois admis à juste titre que la contestation de ma compétence est abordée avec méfiance. Si je comprends bien le Maître, puisqu'il n'y a pas d'action principale devant la Cour suprême visant à obtenir réparation conformément à l'injonction demandée,
Je ne peux pas accorder une telle mesure interlocutoire. Ce n’est pas ma compréhension des pouvoirs du juge en chambre en matière d’injonctions. Qu’une injonction ne soit qu’un remède est une loi banale. Dans la plupart des cas, elle ne peut être accordée que si le demandeur a un motif d'action lui donnant droit à une réparation substantielle. Ce principe bien établi est décrit dans les mots de Lord Diplock dans l'affaire souvent citée de The Siskina [1979 AC 210] à
page 256 :
« Le fait que la Haute Cour n'a pas le pouvoir d'accorder une injonction interlocutoire, sauf pour protéger ou faire valoir un droit légal ou équitable qu'elle a compétence pour faire respecter par un jugement définitif, a été établi dans le jugement classique du LJ Cotton dans l'affaire North London Railway Co. c. Great Northern Railway Co. [1883 11 QBD] 3030, 39-40, qui a été systématiquement suivie depuis lors ».
On se souvient que dans l'affaire The Siskina, la Chambre des Lords avait refusé l'injonction au motif que le défendeur, une société étrangère, ne relevait pas de la compétence de la Cour.
Ce que la loi exige, c'est que le demandeur dispose d'un droit légal ou équitable qui puisse être appliqué par le tribunal et pour lequel une mesure interlocutoire est demandée. Dans de nombreux cas, le demandeur demande une mesure interlocutoire dans le cadre d'une affaire principale en attente de jugement. Dans de nombreux autres cas – les auteurs de manuels citent souvent comme exemples des cas de restrictions commerciales – le demandeur peut choisir de ne pas poursuivre l'affaire principale. Si le demandeur a une cause d'action substantielle, sa demande de mesures interlocutoires sous la forme d'une injonction est recevable. Il n'est pas exigé qu'il ait effectivement déposé une affaire principale. Ainsi, si les requérants obtiennent gain de cause dans la présente requête et dans leur recours devant le Tribunal, ils peuvent légitimement ne pas examiner une affaire principale. L'injonction demandée est en attente de l'audition de l'appel devant le Tribunal. Le motif (a) échoue donc.
Les demandeurs ont-ils un droit en droit pour l’application duquel le défendeur relève de la compétence de la présente Cour ? J'en viens maintenant aux motifs (d), (e) et (f) qui ont été argumentés ensemble. Le droit légal des requérants de pêcher à Bel Ombre et dans ses environs, gagnant ainsi leur vie, est sérieusement remis en question par la société défenderesse. À mon avis, cependant, un tel droit en droit existe sans aucun doute s'il est entravé dans une mesure telle qu'il en résulte des dommages particuliers, ce droit étant fondé sur la responsabilité délictuelle.
Je suis fortifié à mon avis par les exemples d'injonctions accordées dans les cas de pollution donnés dans la loi des injonctions de ND Basu (3e – édition élargie et révisée), bien que le savant auteur parle de l'existence d'un droit équitable. J'ai lu à la page 623 :
"Pollution. Les injonctions visant à protéger les droits sur l’eau sont des illustrations très courantes d’une intervention équitable en raison de l’insuffisance des recours juridiques. Les principes régissant la compétence en équité sont essentiellement les mêmes qu'en matière de nuisance, le tort juridique étant de la même classe de délits. Pour un énoncé plus détaillé de ces principes, il convient donc de se référer au chapitre précédent (4) : ici sont simplement énoncées les règles plus générales illustrées dans le cas des droits d'eau. La pollution des eaux courantes est un sujet d'injonction fréquente (5). Les fondements de la compétence sont d'empêcher la multiplicité des actes en raison d'un tort continu ou récurrent (7), ou d'empêcher un préjudice irréparable (6), ou du fait que les dommages ne sont pas susceptibles d'être estimés, et donc un verdict serait dans l'ordre du jour. nature de la conjecture (8). ….. »
Ce qui est applicable dans les cas de pollution alléguée l’est encore plus dans les cas de dommages allégués à l’environnement. Les motifs (d), (e) et (f) sont donc, à mon avis, rejetés.
Sous le motif (b), il est avancé que le fait que les demandeurs n'aient pas divulgué dans leur demande qu'ils n'ont pas soumis de commentaires/déclarations au directeur du ministère de l'Environnement doit être fatal à la demande. Ce point de vue est partagé par les conseils des codéfendeurs. L'article 20 de la loi prévoit qu'un rapport d'EIE soumis dans le cadre d'une demande de licence d'EIE doit être ouvert à l'inspection. Le directeur de l'environnement doit publier un avis d'inspection publique dans la Gazette ainsi que dans deux quotidiens et le public peut soumettre des commentaires écrits dans un délai spécifié. Les requérants ne nient pas qu'ils n'ont pas soumis de commentaires et/ou d'observations au directeur. Toutefois, ils affirment qu'ils n'ont pris connaissance des avis qu'au cours de la présente demande dans les affidavits du directeur par intérim. Il est également affirmé qu'ils n'ont et n'avaient aucune obligation en vertu de la loi de soumettre des commentaires/représentations. En outre, l'article 54(2) de la loi, qui crée le droit de recours auprès du Tribunal, n'exige pas comme condition préalable à l'introduction d'un recours la soumission préalable de commentaires/déclarations au directeur.
Il ne fait aucun doute que la non-divulgation de faits importants peut conduire à l’émission d’une injonction provisoire, même si une telle non-divulgation était innocente et n’avait pas pour but d’induire en erreur. Le savant avocat de la société intimée a cité la décision du juge Balancy dans l'affaire Robert Lesage et Ors c. The Town and Country Planning Board [1997 SCJ 427] où est énoncée l'exigence d'une divulgation complète et franche des faits importants dans une demande d'injonction. comme suit:
« ….. le défaut de divulgation de faits importants est une considération primordiale qui peut conduire à l’annulation d’une injonction provisoire même lorsque les critères normaux d’octroi d’une injonction sont remplis….. »
Toutefois, l'octroi d'une injonction est un exercice discrétionnaire et chaque demande doit être jugée selon son bien-fondé. Il n’est donc pas surprenant que dans la même affaire, il soit fait référence aux observations du lord juge Glidewell dans Lloyds Bowmaker Ltd. c. Britannia Arrow Holdings [1988 1 WLR] 1337, aux pp 1343H-1344A :
« Lorsque l'ensemble des faits, y compris celui de la non-divulgation initiale, sera porté devant (la Cour, elle) pourra très bien accorder… une seconde injonction si la non-divulgation initiale était innocente et si une injonction pouvait être valablement accordée. même si les faits avaient été révélés….. »
Dans la présente requête, non seulement les requérants affirment qu'ils n'avaient pas connaissance des avis d'appel au public, mais également que les autorités et la société défenderesse étaient à tout moment conscientes de leurs objections aux travaux sur les plages et les lagons. En effet, une réunion a eu lieu le 6 février 2003, au cours de laquelle le projet de développement touristique de la région de Bel Ombre a été présenté par le Président de la Cie Sucrière de Bel Ombre Ltd. aux forces vives de la localité, membres du village. de Bel Ombre/Saint-Martin et Baie du Cap. La réunion s'est tenue en présence des promoteurs hôteliers dont le représentant de la société intimée. Lors de la réunion, à la question d'un pêcheur, le président « a déclaré qu'il n'était pas prévu de creuser (sic) d'autres ouvrages marins dans la lagune dans les projets hôteliers initiaux. Mais il a garanti que tous les aspects juridiques et environnementaux seraient protégés en cas de futurs projets marins et que les pêcheurs seraient en première ligne de communication si un tel cas se produisait ». (C'est nous qui soulignons). Les requérants affirment également que les promoteurs hôteliers, dont le défendeur, et eux-mêmes étaient présents à une réunion organisée le 30 août 2004 par le ministère de la Pêche dans le cadre du Programme intégré de villégiature de Bel Ombre. Lors de la réunion, ils ont de nouveau exprimé leurs objections. La société défenderesse ne nie pas la présence des requérants à la réunion, même si le fait qu'ils aient exprimé des objections est nié.
À la lumière de ce qui précède, si tous les faits avaient été divulgués, ils auraient démontré que les requérants s’étaient opposés à tous les moments pertinents et que les pêcheurs avaient eu l’assurance qu’ils seraient « en première ligne de communication » en cas d’incident maritime. projet. En conséquence, la présente demande s'inscrit dans les cas dans lesquels, comme l'a observé le juge Glidewell, une injonction pourrait encore être valablement accordée.
Je passe maintenant à la question soulevée au point (g), à savoir. si les requérants ont soulevé une question sérieuse à juger. Les avocats de la société défenderesse et des codéfendeurs soutiennent que les huit moyens d'appel invoqués devant le Tribunal sont vagues et qu'en conséquence, on ne peut pas dire qu'il y a une question sérieuse à juger. Aux termes de l'article 55 de la Loi, les appels devant le Tribunal constituent des audiences complètes au cours desquelles la preuve est admise. L’article 55(2) et (3) se lit comme suit :
« (2) Lorsque le Tribunal ajourne une procédure, il peut la reprendre au lieu et à l'heure que le Président du Tribunal peut déterminer.
(3) Sous réserve de tout règlement pris en vertu de l'article 58, tous les appels devant le Tribunal doivent être intentés et menés :
(a) dans la mesure du possible, de la même manière qu'une procédure civile devant un magistrat de district ;
(b) conformément au droit de la preuve en vigueur à Maurice ;
c) en public, sauf accord de toutes les parties, ou lorsque le Tribunal l’ordonne dans l’intérêt de l’ordre public.
Les requérants ont déposé des déclarations sous serment selon lesquelles les travaux réalisés par la société défenderesse sont préjudiciables à l'environnement. La question soulevée relève éminemment des attributions du Tribunal et, à la lumière des affidavits et des attributions du Tribunal, on ne peut pas dire qu'aucune question sérieuse n'a été soulevée. Le fait que le contenu des objections des demandeurs ait été pris en compte par le directeur de l'Environnement n'empêche pas le Tribunal d'examiner les mêmes objections.
Je dois maintenant examiner si la prépondérance des inconvénients penche en faveur de l’octroi ou du refus de la mesure interlocutoire demandée. D'une part, les requérants affirment que les travaux entrepris par la société défenderesse les priveront de leurs moyens de subsistance ainsi que d'un mode de vie, causant ainsi un préjudice irréparable qui ne pourra être compensé par des dommages et intérêts. En revanche, la société défenderesse rétorque que l'octroi de l'injonction entraînera une perte financière importante que les requérants, disposant de moyens limités, ne pourront pas compenser. C'est dans ces cas où les dommages s'avèrent insuffisants et où l'octroi ou le refus de l'injonction causera un préjudice égal aux parties que le statu quo est ordonné par la Cour. Selon les mots souvent cités de Lord Diplock dans American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd. [1975 AC 396] à 408F, « lorsque d’autres facteurs semblent être également équilibrés, il est prudent de prendre des mesures qui sont calculées pour préserver le status quo". Ce « statu quo » est, comme l'a admis l'avocat de la société intimée, celui qui prévalait au moment de la délivrance de la licence. À mon avis, cela devrait avoir lieu au moment de la délivrance du permis, mais avant le début des travaux par la société défenderesse.
En plus de ce que j'ai déclaré ci-dessus, j'estime en outre que, compte tenu des faits et du droit, il est juste et commode d'accorder l'injonction interlocutoire réclamée. Le 5 juillet 2004, la société défenderesse a demandé une licence EIA pour réaliser des travaux d'amélioration du littoral sur la plage. Le 5 octobre 2004, elle a obtenu la licence décrite ci-dessus. Dans la lettre accordant la licence, le directeur par intérim de l'Environnement a attiré à juste titre l'attention de la société intimée sur le fait que « (Cette) licence est accordée sous réserve de tout appel dans les 30 jours à compter de la date de délivrance, comme spécifié à l'article 54(2) de la loi de 2002 sur la protection de l’environnement ». Le 15 octobre 2004, la société défenderesse a démarré les travaux. Au moment du début des travaux, la décision du ministre approuvant l'EIE n'avait pas encore été publiée au Journal officiel ni dans la presse, comme l'exige l'article 23(5) de la loi. La décision a été publiée dans Le Mauricien du 25 octobre 2004. Le bon sens veut que le législateur, dans sa suprême sagesse, ait accordé un droit d'appel contre la décision du Ministre, le démarrage des travaux par l'entreprise intimée ne peut être effectué avant l’expiration du délai de recours. Dans le cas contraire, le droit de recours est illusoire et rendu inutile.
Une dernière question est de savoir si je devrais exiger des demandeurs qu'ils « renforcent » leur engagement en dommages-intérêts envers la société intimée. Les avocats des demandeurs ont cité la décision Allen v. donnés par eux à titre de dommages-intérêts peuvent s'avérer nuls ou peu de valeur. Je suis respectueusement d'accord.
Pour les raisons ci-dessus, j’accorde l’injonction interlocutoire demandée. Avec frais. Je certifie quant à l'avocat.
AF Chui Yew Cheong
Juge
15 novembre 2004